100% Life – Ukraine

– Par Sergey Dmitriev & Dmytro Sherembei
Traitements recommandés par l’OMS

100% Life est une association de personnes vivant avec le VIH qui a pour mission de lutter pour protéger la vie. La préservation de la vie est fondamentale pour nous, et le nom de notre association, 100% Life, est un objectif, une valeur et un indicateur de l’efficacité de notre action.

Nous aspirons à ce que cette démarche très simple de garder la vie humaine comme priorité absolue soit adoptée par davantage d’organisations partout dans le monde. Nous sommes convaincus que c’est en plaçant la vie humaine au centre des politiques nationales et internationales qu’il sera possible de sauver davantage de vies. Le nombre de décès pourrait être réduit, car la technologie et l’innovation existent bel et bien ; cependant, certaines personnes ne peuvent toujours pas accéder au traitement. L’action de 100% Life a permis à des milliers de personnes d’avoir accès à des médicaments contre le VIH et l’hépatite C. Il est possible de faire de même pour d’autres maladies, comme le cancer ; c’est pour nous une certitude. Ainsi, nous pourrions sauver encore plus de vies.

Rôle fondamental du partenariat

Nous avons bâti notre partenariat avec le Medicines Patent Pool (MPP) il y a déjà un certain temps. Cette collaboration a été fructueuse : aujourd’hui, parce qu’il est possible d’accéder à des médicaments génériques de qualité garantie, 90% des personnes vivant avec le VIH sont sous traitement antirétroviral. C’est une avancée majeure, qui a sauvé des vies et offert un avenir aux personnes vivant avec le VIH. Dans notre pays, notre partenariat avec le MPP permet également l’accès à des versions génériques de qualité garantie du dolutégravir (DTG) et du ténofovir/lamivudine/dolutégravir (TLD), une combinaison sous la forme d’un comprimé quotidien aux effets secondaires bien moins marqués.

Conformément aux recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) d’utiliser le DTG en traitement de première intention, nous avons commencé l’approvisionnement en DTG et en TLD en 2016. Grâce à la licence du MPP sur le DTG, le prix du traitement mensuel est de 4,05 USD^[1]. Il y a quatre ans, notre pays dépendait encore des subventions du Fonds mondial de lutte contre le sida et la tuberculose pour financer l’achat des médicaments anti-VIH. En 2020, le processus d’approvisionnement est entièrement financé par l’État, sans l’aide de donateurs internationaux. Parce que nous avons été récipiendaire principal des subventions du Fonds mondial, nous avons pu approfondir nos connaissances relatives au processus d’approvisionnement.

Ainsi, grâce à notre expérience et à l’utilisation du mécanisme d’approvisionnement à l’efficacité avérée, notre approvisionnement en médicaments est devenu un exemple d’efficacité et de transparence. Il est exempt de toute corruption, ce qui nous permet d’acquérir des traitements génériques de qualité pour un coût très abordable. Notre association offre son assistance et ses conseils au gouvernement pour la mise en œuvre des bonnes pratiques dans ce domaine. Nous travaillons également en étroite collaboration avec le ministère de la Santé. Et ce, dans le but de garantir un accès au traitement dans les meilleurs délais.

À propos du LPV/r

Il y a encore quelques temps, toute la région Europe de l’Est et Asie centrale rencontrait un autre problème lié au lopinavir/ritonavir (LPV/r), un médicament communément utilisé dans notre pays contre le VIH. En effet, son prix de 68 USD par boîte était bien trop élevé. Malgré les nombreux appels lancés, son prix n’a pas bougé pendant 10 ans. Le prix était le même dans toute la région, et représentait donc une grande contrainte pour nous. Nous savions que, si notre pays venait à être intégré à une licence volontaire nous permettant d’avoir accès à des versions génériques, il nous serait alors possible d’économiser jusqu’à 8 millions par an.

Heureusement, depuis mars 2020, n’importe quel pays dans le monde, l’Ukraine y compris, peut s’approvisionner en LPV/r. C’est un immense soulagement pour les patients et pour le pays, qui est maintenant en mesure d’acheter la version générique du LPV/r et de financer d’autres initiatives grâce aux économies réalisées.

Traitements recommandés par l’OMS contre l’hépatite

Concernant la lutte contre l’hépatite, l’Ukraine peut acheter du daclatasvir (DAC) et la combinaison daclatasvir+sofosbuvir (DAC+SOF) grâce au MPP. Chaque année, le gouvernement ukrainien octroie environ 4,5 millions USD à l’approvisionnement en médicaments contre l’hépatite virale. En 2018, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a annoncé la publication d’un appel d’offres pour l’approvisionnement en médicaments contre l’hépatite C. Nous avons vivement encouragé l’ensemble des fabricants de génériques à répondre à cet appel d’offres. Au total, 14 fabricants l’ont fait, et nous avons obtenu des prix inédits pour la région à ce moment-là : 86 USD environ pour trois mois de DAC+SOF, l’un des traitements recommandés par l’OMS contre l’hépatite C.

Grâce aux prix abordables des traitements et conformément aux recommandations de « soigner tous ceux qui en ont besoin », nous sommes aujourd’hui prêts pour soigner, dans les deux années à venir, les 70 000 personnes qui attendent désespérément ces médicaments essentiels recommandés par l’OMS. Bien entendu, alors que nous nous rapprochons de l’éradication de l’hépatite C, il reste encore beaucoup à faire. Les principales lacunes à combler sont : la faiblesse du système de surveillance, le prix élevé des outils de diagnostic, les procédures d’approbation réglementaire, l’amélioration de l’infrastructure et les algorithmes de traitement. Nous allons poursuivre notre travail avec le ministère de la Santé pour simplifier les algorithmes de traitement et la décentralisation de la prestation de services.

Tuberculose

Dans la lutte contre la tuberculose, l’Ukraine fait malheureusement partie des 30 pays où le nombre de cas de tuberculose multi-résistante est élevé^[2]. Pendant longtemps, nous n’avons pas pu accéder à des médicaments innovants, tels que la bédaquiline ou le délamanide. La fabrication régionale de ces substances avait été confiée par les détenteurs de brevet à des entreprises russes, avec qui il nous était impossible de commercer. C’est pourquoi nous avons lancé une campagne d’action pour que l’Ukraine puisse s’approvisionner de manière indépendante. Aujourd’hui, c’est chose faite. Nous achetons la bédaquiline et le délamanide aux laboratoires de princeps, même si les prix restent élevés. Nous avons également inclus un médicament novateur, le prétomanide, dans notre liste d’approvisionnement pour cette année. Des licences sur ces nouveaux médicaments contre la tuberculose intégrant l’Ukraine dans leur territoire permettraient deux choses. Premièrement d’alléger considérablement les coûts pour les systèmes de santé; mais aussi augmenter le nombre de patients sous traitement et de sauver des vies. Il serait ainsi envisageable de réduire la charge de morbidité de cette maladie infectieuse qui fait des ravages dans notre pays.

Même si l’Ukraine progresse rapidement, les stéréotypes ont la vie dure. La stigmatisation et la discrimination restent profondément ancrées dans la société. 100% Life travaille sans relâche pour sensibiliser la population à l’éradication de ces fléaux. Nous menons des campagnes en collaboration avec les gouvernements et les médias de l’ensemble de la région Europe de l’Est et Asie centrale. Nous intervenons aussi auprès des patients pour les aider à faire preuve de tolérance envers ceux qui ne comprennent pas leur situation. Le manque de tolérance est aussi un mal qui ronge notre société, que nous ne pourrons vaincre qu’en agissant ensemble.

Regarder la vidéo sur l’histoire de Dmytro

^[1] Prix en janvier 2020

^[2] Multidrug- and extensively drug-resistant TB (M/XDR-TB), Organisation mondiale de la Santé, Europe