Par Badara Samb, Directeur, Bureau des initiatives spéciales, ONUSIDA

Alors que s’ouvre la 19ème Conférence internationale sur le sida et les IST en Afrique (ICASA), l’Afrique peut se réjouir sur de nombreux plans, mais elle se trouve également confrontée à d’importants défis dans sa quête pour mettre fin à l’épidémie du sida. Heureusement, de nouvelles et importantes opportunités se sont présentées et ont le potentiel de placer l’Afrique dans une position beaucoup plus forte pour faire en sorte que le sida ne soit un jour plus qu’un lointain souvenir.

Les résultats de fin d’année 2016 sur le protocole de soins apporté aux personnes vivant avec le VIH en Afrique montrent les énormes progrès réalisés par la région vers la cible 90-90-90. En tant que région, l’Afrique de l’est et australe semble être sur la bonne voie pour atteindre l’objectif 90-90-90 d’ici 2020. En Afrique de l’ouest et centrale, au Moyen Orient et en Afrique du Nord, où les progrès ont historiquement accusé un retard, des progrès substantiels ont été réalisés dans le domaine du diagnostic du VIH, du traitement et des taux de suppression virale.

Mais il reste beaucoup à faire. De nouveaux progrès dans le dépistage du VIH sont essentiels, le lien avec les soins doit être assuré, un soutien est nécessaire pour que les personnes continuent à être prises en charge, et des soins différenciés adaptés en fonction des communautés doivent être intégrés et généralisés dans le cadre d’une réponse régionale.

Ces dernières semaines, pas moins de trois nouvelles opportunités majeures pour accélérer le rythme des progrès vers la cible 90-90-90 ont émergé. Je m’attends à ce que chacune d’entre elles soit présentée à la conférence ICASA à Abidjan.

La première est la validation par l’Union africaine en juillet du plan de rattrapage pour l’Afrique de l’ouest et centrale. Ce plan était motivé par la reconnaissance de la lenteur des progrès vers la cible 90-90-90 en Afrique de l’ouest et centrale : alors que 50 % de l’ensemble des personnes vivant avec le VIH en Afrique de l’est et australe ont vu leur charge virale supprimée en 2016, seulement 25 % en étaient au même stade en Afrique de l’ouest et centrale. Le plan de rattrapage vise à faire passer le nombre de personnes sous traitement de 1,8 million à 2,9 millions d’ici à mi-2018. Avec l’aide de l’ONUSIDA et d’autres partenaires, les pays d’Afrique de l’ouest et centrale élaborent et mettent en œuvre des plans opérationnels nationaux pour traduire le plan de rattrapage en réalité. À la conférence ICASA, nous entendrons des comptes rendus sur la façon dont les pays d’Afrique de l’ouest et centrale mettent en œuvre ces efforts urgents pour atteindre la cible 90-90-90.

La deuxième nouvelle opportunité est l’émergence d’une nouvelle initiative régionale, également validée par l’Union africaine, qui vise à recruter, former et déployer deux millions d’agents de santé communautaire d’ici 2020. L’expérience en Éthiopie et dans d’autres pays a montré que des agents de santé communautaire bien formés et pleinement intégrés ont la capacité unique d’atteindre des communautés éloignées et marginalisées qui n’accèdent que rarement aux services de santé. Cette nouvelle initiative aura de plus l’avantage de créer des emplois bien rémunérés d’importance sociale pour la génération de jeunes la plus importante de la région. La conférence ICASA comprendra des présentations et tables rondes sur le rôle critique et encore sous-utilisé des agents de santé communautaire dans la réponse au VIH, ainsi que des échanges sur la manière dont plusieurs pays africains prennent des mesures pour constituer des équipes robustes d’agents de santé communautaire.

La troisième opportunité, et non des moindres, est qu’au mois de septembre un accord tarifaire décisif a été annoncé pour le premier traitement abordable composé d’un seul comprimé générique anti-VIH, contenant du dolutégravir (DTG). Cet accord a été rendu possible en partie grâce aux accords de licence existants entre le Medicines Patent Pool et ViiV Healthcare. Ce nouveau traitement (connu sous le nom de TLD) sera non seulement moins cher que le traitement standard de première ligne, mais devrait être beaucoup plus durable et associé à moins d’effets secondaires. Fruit du leadership politique des gouvernements du Kenya et d’Afrique du Sud et de la participation active de nombreux partenaires internationaux, cet accord devrait permettre d’économiser plus de 50 milliards de dollars américains de frais de traitement sur les six prochaines années. Les pays sont confrontés à des décisions importantes sur la meilleure façon d’intégrer l’adoption de ce nouveau régime dans les programmes de traitement nationaux et sur la manière de transférer ou non les patients actuellement sous d’autres régimes vers le TLD, qui est un traitement supérieur. Au cours de la conférence ICASA se dérouleront des débats importants sur les programmes nationaux de lutte contre le sida ; les partenaires internationaux et la société civile considérant la meilleure façon de tirer parti de cette nouvelle opportunité importante pour économiser les ressources thérapeutiques, améliorer les résultats des traitements et réduire la demande future pour les traitements de deuxième et troisième intention plus coûteux.

Compte tenu de ces nouvelles opportunités d’accélérer fortement les progrès pour atteindre la cible 90-90-90, je me réjouis des discussions qui auront lieu cette semaine lors de la conférence ICASA à Abidjan.