Accélérer l’accès au traitement des enfants vivant avec le VIH doit être une priorité de santé publique – message du directeur exécutif pour la journée mondiale de lutte contre le SIDA 2018
30 novembre 2018
Charles Gore, directeur exécutif du Medicines Patent Pool, Genève
L’année dernière à cette même date, des acteurs d’envergure internationale, dont l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la Fondation Elizabeth Glaser de lutte contre le SIDA pédiatrique et l’ONUSIDA ont, avec des parties prenantes de premier plan, participé au dialogue de haut niveau sur l’intensification du diagnostic et du traitement précoces des enfants et des adolescents organisé par le Vatican. Cette rencontre s’est intéressée à la réduction de la mortalité chez les enfants vivant avec le VIH. Des engagements ont été pris au travers de l’élaboration d’un plan d’action afin de rendre prioritaire la conception de médicaments antirétroviraux (ARV) à la formulation adaptée aux enfants.
Le Medicines Patent Pool (MPP) participera à la réunion de suivi, à nouveau au Vatican, les 5 et 6 décembre. Le VIH chez l’enfant reste l’une des crises de santé publique qui présentent le plus haut niveau d’urgence. D’après les dernières données, 1,8 million d’enfants de moins de 15 ans vivent avec le VIH, un chiffre inacceptable. Le VIH tue chaque jour 300 enfants[1]. En 2017, même si environ 936 000 enfants suivaient un traitement antirétroviral, 180 000 nouvelles infections ont été dénombrées, malgré le succès des programmes de prévention contre la transmission de la mère à l’enfant[2]. Cette maladie ne s’arrête pas à ces chiffres ; derrière chaque statistique se trouve l’histoire de personnes dont la famille et la communauté subissent les répercussions d’une maladie dévastatrice qui gâche des vies.
Les options de traitement disponibles pour les enfants vivant avec le VIH sont trop peu nombreuses. La conception de versions efficaces et adaptées aux enfants nécessite davantage d’efforts et de moyens. Difficiles à administrer, en particulier aux enfants en bas âge, les versions actuelles peuvent avoir des effets secondaires toxiques et compromettre sérieusement le début du traitement et les tentatives d’élimination du virus. En produisant de meilleures formulations pédiatriques, des centaines de vies pourraient être sauvées chaque jour. Malgré cela, le monde tarde à les mettre au point.
Fruit de la réunion tenue à Rome, le plan d’action reconnaît cette réalité et établit qu’« une thérapie de première intention destinée aux enfants de moins de trois ans serait sûre, simple à administrer, bien tolérée, facile à ingérer, thermostable, dispersible et administrée au maximum une fois par jour ».
Dans ce même plan, le MPP s’engage à poursuivre sa mission visant à faciliter l’accès aux meilleurs médicaments pédiatriques disponibles grâce au partage de la propriété intellectuelle et des connaissances et à son travail avec l’industrie pharmaceutique et les parties prenantes du domaine de la santé publique. Sur le court terme, cet engagement est retranscrit dans notre collaboration avec les titulaires de sous-licences dans le but de fournir des formulations pédiatriques répertoriées par l’OMS. A ce jour, nous avons licensié 13 antirétroviraux dont quatre sont à destination des enfants. Sur le long terme, le MPP poursuivra ses efforts afin d’obtenir les accords de licence nécessaires pour garantir la mise à disposition le plus rapidement possible des produits prioritaires les plus récents.
En 2019, de nouvelles formulations pédiatriques issues de l’industrie pharmaceutique, dont certaines conçues par des titulaires de sous-licence du MPP, feront l’objet d’une demande d’approbation par les autorités de régulation ou seront mises sur le marché. C’est le cas par exemple de nouvelles formulations du lopinavir/ritonavir, notamment une combinaison « quatre-en-un » à base d’abacavir et de lamivudine ; de la combinaison à dose fixe composée d’abacavir, de lamivudine et d’éfavirenz, et du premier comprimé dispersible de dolutégravir. Ces produits simplifieront, dans certains cas, les traitements ou proposeront des formulations mieux adaptées aux enfants, ce qui devrait participer à une meilleure mise en œuvre des lignes directrices de l’OMS pour le traitement du VIH.
De nouveaux produits entrainent toutefois de nouveaux défis en matière de transition vers des traitements plus modernes. Ainsi, comment garantir que chaque pays adapte ses directives de traitement, que les prestataires de soins se familiarisent avec les nouveaux traitements et reçoivent la formation nécessaire à leur administration, que les parents et familles soutiennent cette transition, et que les programmes de lutte contre le VIH soient capables d’intégrer et de répercuter les changements ? Il faut également tenir compte des obstacles qui s’opposent généralement à l’accès aux médicaments dans les pays à revenu faible et intermédiaire : la pauvreté chronique, la faiblesse de l’infrastructure sanitaire, la stigmatisation et la discrimination.
Les 5 et 6 décembre prochains, je participerai à une réunion de suivi à nouveau organisée par le Vatican, lors de laquelle nos partenaires examineront les raisons pour lesquelles la question des enfants ne figure pas parmi les priorités de la riposte contre le VIH, et où seront évalués les progrès réalisés concernant les engagements pris l’année passée. Cette réunion est une formidable opportunité de faire des enfants la priorité de la riposte accélérée contre le VIH, et nous ne devons pas la laisser passer.
[1] Organisation mondiale de la Santé
[2] ONUSIDA